Extraits de « Silence Parole de vie »
Le caractère personnel de l’amour humain, il faut le retrouver dans nos relations avec Dieu. Il est clair que nous ne pouvons nous satisfaire d’une religion communautaire et qu’il nous faut découvrir en même temps –et sans renier l’autre, bien entendu- une religion personnelle.
Et ceci est assez connu : la plupart du temps, la religion proposée aux hommes est une religion communautaire, une religion qui a un culte défini, qui comporte des assemblées à un jour fixé, à une heure déterminée, un certain nombre de prières, de gestes à accomplir, des sacrements, des rites qui sont communs à tous, tellement que, lorsque le fidèle se trouve livré à lui-même, il recourt généralement à des prières communautaires, des prières qu’il récite quand il est avec les autres, et il n’est guère capable d’en formuler d’autres (…)
Je me rappelle le scandale que j’éprouvais en lisant la vie d’un bienheureux italien canonisé ou plutôt béatifié par Pie XI, qui était un professeur de droit, et où il était question uniquement chez ce bienheureux de ses exercices religieux –le chapelet, le chemin de croix, la communion quotidienne, la méditation, les retraites qu’il pouvait faire- mais jamais de sa profession de savant et de juriste, comme si toute sa vie professionnelle était mise entre parenthèses et ne comptait pas dans sa sanctification.
Je crois que c’est là un indice extrêmement dangereux d’une religion mal comprise parce que, si toute la vie professionnelle n’est pas en même temps et par identité une vie religieuse, la plus grande partie de la vie échappera à Dieu (…)
Alors, toute la vie devient profane, puisqu’elle échappe à Dieu, dès lors qu’elle n’est plus une vie communautaire. En dehors de la messe du dimanche, de la communion Pascale, tout le reste de la vie échappe à Dieu. Et non seulement tout le reste de la vie échappe à Dieu, mais tout le reste de la vie risque de devenir hostile à Dieu, justement parce que les tendances les plus personnelles, qui sont les plus importantes, n’ont aucun rapport avec Lui. (…)
Personne ne veut être interchangeable, chacun se sent unique. (…)
Il est donc absolument nécessaire de découvrir une religion personnelle, qui nous prenne dans ce que nous avons de plus particulier, qui nous prenne dans nos goûts les plus profonds, dans nos passions les plus essentielles (…)
Tout en nous sera éclairé par Dieu, assumé par Lui, et plus encore réalisé par Lui : toute tendance naturelle ne se trouve réalisée finalement qu’au niveau du cœur de Dieu.
On commet très souvent, justement, l’erreur de vouloir conduire les gens à Dieu par les chemins communautaires. On croit que tout est perdu s’ils ne communient pas, qu’ils ne se confessent pas, s’ils ne participent pas à la messe du dimanche, alors qu’ils peuvent avoir une religion personnelle, et à travers elle, rejoindre la religion communautaire.
Il s’ensuit une espèce de médiocrité lamentable qui fait de la religion, pour une quantité de gens, un impôt à payer. Bon, il y a un Dieu, c’est malheureux, mais il y a un Dieu, on n’y peut rien.(…) Il faut bien passer par Ses volontés, mais on en fera naturellement le moins possible, puisque les pratiques imposées ne répondent pas à un élan personnel. On ira s’ennuyer une petite heure à la messe pour être en règle, parce qu’on n’est pas passionné de Dieu.
Or il n’y a pas de religion véritable si on n’est pas passionné de Dieu. Les saints sont des passionnés de Dieu, et ils le sont justement parce que Dieu les a pris par le fond et que tout leur être n’est qu’un cri et un élan vers Lui.
Il s’agit donc de trouver en nous le terroir où s’enracine une religion personnelle et de voir quels sont nos goûts les plus profonds, quelles sont nos passions les plus nobles, les plus hautes, les plus durables, quels sont nos émerveillements et nos enthousiasmes car, évidemment, c’est ce qui nous enthousiasme qui sera le premier contact avec une religion personnelle. Vous savez d’ailleurs que le mot enthousiasme signifie : « possession par Dieu ». Celui qui s’enthousiasme, qui s’émerveille, celui-là est sur le chemin des grandes découvertes.
Maurice ZUNDEL
Extraits de « Silence Parole de vie »
deuxième méditation. Pages 26 à 28
M. Zundel, petite biographie sur Wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Zundel