Extraits de « Je parlerai à ton cœur »
Maurice ZUNDEL
Il n’y a aucun doute que la signature de Dieu, c’est l’humilité. La signature de Dieu,
c’est l’oubli de soi. La signature de Dieu, c’est le don de soi et c’est l’amour.
Et c’est toujours ainsi que nous reconnaissons Dieu, jamais autrement.
Car, mon Dieu, j’ai rencontré pas mal de gens instruits, pas mal de gens persuadés de leur génie, pas mal de gens qui savaient parler comme les livres, et qui en écrivaient.
Ça ne m’a jamais beaucoup touché. Ce qui m’a touché, c’est toujours l’humilité de bonnes femmes très ordinaires, qui ne se regardaient pas, qui disaient des choses merveilleuses sans le savoir, parce que, justement, la Lumière de Dieu traversait leur transparence.
Et c’est toujours ainsi. C’est infailliblement vrai : on n’agit que dans la mesure où on ne se regarde pas,
où on ne s’écoute pas, où on laisse passer à travers soi cette Présence qui ne fait pas de bruit, cette Présence
qui nous délivre de nous-mêmes, cette Présence qui ouvre en nous l’espace de générosité où notre liberté peut enfin s’accomplir. Et, si la signature de Dieu est toujours celle de l’humilité et du don de soi, c’est évidemment que Dieu Lui-même est humilité et don de soi.
On est parfois gêné en lisant la Bible, quand on ne le sait pas, quand on n’est pas averti que la Bible, c’est une Personne ; que la Bible c’est le Sacrement du Verbe de Dieu, que la Bible, finalement, c’est Jésus, Jésus qui nous appelle, qui nous attire, qui attire ce peuple encore primitif vers le Mystère de la Croix, on est parfois gêné lorsqu’on entend le Seigneur dire : « Je… Moi… Je… Je… Moi… » Mais on comprend bien finalement que ce sont les hommes qui Lui ont donné ce visage, parce que les hommes ont toujours imaginé Dieu comme étant au sommet de la pyramide : ils l’ont toujours vu en hauteur, très loin, très loin, très haut, très haut, assis sur un trône de diamants, avec des séraphins qui lui chantent ses louanges, parce qu’ils étaient incapables d’imaginer la grandeur autrement.
Il a fallu Jésus Christ pour nous apprendre qu’il y a une autre dimension, une autre dimension de la grandeur, cette dimension que les hommes ne soupçonnaient pas, cette dimension qui devait scandaliser l’Apôtre saint Pierre lorsque Notre Seigneur parlait de lui laver les pieds.
Comme Pierre refusait la Croix pour Jésus, refusait la Croix comme une impossibilité, il refusait pour Jésus l’humilité du geste de l’esclave à genoux devant ceux auxquels il lave les pieds.
Et Notre Seigneur devait l’avertir qu’il n’aurait aucune part avec Lui s’il n’acceptait pas ce geste d’humilité, qui est justement le geste naturel du Vrai Dieu, car le Vrai Dieu, c’est un Dieu humble et pauvre.
Maurice Zundel