NOTRE UNIVERS EST UN UNIVERS AFFECTIF
Nous sommes notre sensibilité et nous ne sommes jamais notre raison.
L’homme n’est pas un animal raisonnable. Il est une sensibilité, une passion, un immense désir, une formidable aspiration.
C’est pourquoi la musique a une importance si capitale dans la civilisation. C’est la musique qui ordonne notre sensibilité.
C’est le miracle de cette ordonnance totale de nous pénétrer jusque dans notre physiologie, d’harmoniser nos vibrations sensibles, de nous ouvrir à l’espace infini, mais par un consentement de tout notre être…
Rien n’est plus catastrophique que de méconnaître cette vérité de la sensibilité.
Notre sensibilité est un être vivant, un être plein de devenir, un être doué de ressources magnifiques, un être qui grouille d’énergies créatrices. Il s’agit simplement d’ordonner, d’ouvrir, d’apaiser. On ne peut apaiser cet instrument magnifique qu’en le comprenant et en le comblant.
Il n’y a donc pas de plus grande erreur que de vouloir tuer la sensibilité, pas de plus grande erreur que de méconnaitre la dignité des passions. C’est comme si on voulait saccager l’instrument d’un artiste sous prétexte que l’instrument est quelque chose de matériel, tandis que l’art est quelque chose d’idéal. Il n’y a pas de musique sans instrument. Il s’agir simplement de l’accorder afin qu’il vibre harmonieusement et qu’il prolonge dans la matière ce rêve éternel de l’esprit.
Comment ne pas se souvenir de ce regard de Jésus devant la femme adultère. C’est lui qui baisse les yeux. C’est Lui qui refuse de juger et de condamner. Il veut la conduire à la découverte d’elle-même, compenser pour ceux qui refusent de l’aimer.
Dieu touche à nos passions avec un infini respect.
Lui-même, la passion infinie, l’éternel amour, n’est pas un Dieu raisonnable, c’est un Dieu fou, comme disait Saint Augustin, parce qu’Il ne connait d’autre lumière que celle de l’amour et il nous introduit dans le seul jour où tout notre être puisse respirer, le jour de son infinie tendresse.
Les vertus ne sont que des passions ordonnées comme les vices ne sont que des passions en désordre »
(Coventry Patmore).
Notre religion ne sera vraiment un accrochage total, un enracinement en Dieu que dans la mesure où ce qu’il y a de plus profond, de plus singulier, de plus unique, de plus irremplaçable, sera d’abord saisi par le centre.
Comment saurons-nous le point d’accrochage qui nous unit à Dieu, sinon en voyant quels sont nos goûts les plus profonds ? Chacun de nous a une passion dominatrice, un penchant qui l’emporte sur tous les autres et qui lui indique la vocation de son être.
Cet élan jailli du plus profond de notre inconscient et marque la première vocation de notre être. C’est par là que nous devons tomber en Dieu, C’est par là que tout être sera assumé, enthousiasmé et comblé. Il n’y a pas une passion en nous qui, poussée jusqu’au bout, ne puisse s’accomplir et se réaliser au niveau du cœur de Dieu.