Dieu révèle l’Homme à lui-même…
Extraits de « Ta Parole comme une source »
85 sermons Inédits de Maurice Zundel. Pages 226 à 229.
Homélie pour le 2e dimanche de carême.
Transfiguration. Marc 9, 2-10
Sommes-nous une façade ? Est-ce que notre visage exprime autre chose qu’un perpétuel camouflage derrière lequel nous déguisons ce que nous sommes ? Est-ce que nous n’apportons pas quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent aux autres ce mensonge vivant d’un visage qui s’accommode pour faire croire qu’il y a une présence, une bonté, une générosité, un dévouement, une amitié ou un amour ? Et, au fond, il n’y a rien, il n’y a rien qu’un formidable égoïsme biologique et animal qui suit sa propre pente et qui s’arrange simplement pour conserver jusqu’à un certain point les formes nécessaires.
Nous sommes du moins tentés de prononcer contre les autres ou contre nous-mêmes un tel réquisitoire, qui est d’ailleurs parfaitement inutile car, justement, ce que l’Évangile de la transfiguration nous propose, ce qu’il nous révèle, c’est cette puissance prodigieuse et magnifique d’un corps humain qui peut devenir le visage de l’Éternelle Lumière.
Car il n’y a pas de doute que le Christ était ce qu’il apparaissait sur la montagne de la Transfiguration. Si les apôtres qui L’accompagnent, ses trois amis, Pierre, Jacques et Jean, s’ils sont éblouis devant cette splendeur, ce n’est pas qu’elle fût absente au jour le jour de la vie de notre Seigneur, mais les yeux des apôtres, comme plus tard ceux des disciples d’Emmaüs, ne pouvaient pas percevoir ce rayonnement parce qu’il n’y avait pas en eux assez de transparence, assez de pureté, assez d’amour, assez de générosité pour entrer dans ce domaine de la pure Lumière et de l’Éternel Amour
Le jour de la transfiguration, pour un instant, leurs yeux s’ouvrent. Pour un instant ils entrent dans ce secret merveilleux d’une chair divinisée, d’un visage qui porte la splendeur de la Vie Éternelle, et ils en sont tellement émerveillés que Pierre veut à toute force demeurer sur ce sommet. Il ne demande pas autre chose. Il a découvert enfin toutes ses raisons de vivre. Il veut construire trois tentes afin que cette joie ne se tarisse plus, qu’elle demeure à jamais et que la vie soit ce perpétuel enchantement dans la découverte de la Face Divine.
Il reste que la chair du Christ était toute pénétrée de cette Lumière. Il reste que le Visage de Notre-Seigneur portait en lui toute la clarté de Dieu. Il reste donc que le corps humain est capable de cette formidable assomption, que le corps humain peut être transfiguré et qu’il a, lui aussi, un message de lumière à communiquer.
Et d’ailleurs, comment la lumière de l’âme, la lumière de l’esprit, la lumière intérieure, comment ce chant du silence qui monte des profondeurs de notre être, comment pourrait-il se faire jour si ce n’est à travers notre visage, à travers notre corps ? Notre corps a une vocation spirituelle, il a une vocation divine. Notre corps est le premier évangile, car c’est à travers l’expression de notre visage, à travers notre ouverture, à travers notre bienveillance et notre sourire que doit passer le témoignage de la Présence Divine. (…)
C’est ce Dieu que Pascal appelle le Dieu de Jésus-Christ, c’est ce même Dieu qui est en nous la vie de notre vie. Ce n’est donc pas nous-mêmes que nous avons à exprimer, mais Lui, et bien sûr que si nous retournons à notre petite histoire personnelle, si c’est nous que nous cherchons à révéler et à communiquer, cette confidence tournera court, elle sera sans intérêt pour personne. Ce qui est passionnant dans un Être Humain, c’est qu’il peut et qu’il est appelé à révéler Dieu. Il y a en nous une beauté secrète, une beauté merveilleuse, une beauté inépuisable. (…)
C’est là une invitation qui nous est adressée : en nous, il y a une infinie, une éternelle, une inépuisable nouveauté : ce chant de Dieu que nous avons à devenir, cette lumière de Dieu que nous avons à communiquer, qui doit devenir l’expression, le rayonnement et le sourire de notre visage, qui doit devenir le rythme, et l’harmonie, et la mélodie, et la danse de notre corps tout entier. (…)
Le Christ est venu révéler à l’Homme qui il était, il est venu accomplir l’Homme dans toute sa grandeur, dans toute sa dignité, dans toute sa beauté. (…) Aujourd’hui, nous devons entrer dans la nuée de la transfiguration afin d’en ressortir revêtus de Dieu et portant sur notre visage la joie de son Amour et le sourire de son Éternelle Bonté.
Extraits de « Ta Parole comme une source »
85 sermons Inédits de Maurice Zundel. Pages 226 à 229.