Extraits de » Dieu ou rien «
Éditions Fayard, au chapitre VI.
(…) » Aujourd’hui, l’Occident vit comme si Dieu n’existait pas. Comment des pays d’anciennes traditions chrétiennes et spirituelles ont-ils pu se couper de leurs racines à ce point ? Les conséquences apparaissent tellement dramatiques qu’il est indispensable de comprendre l’origine de ce phénomène.
L’Occident a décidé de prendre ses distances par rapport à la foi chrétienne sous l’influence des philosophes des Lumières et de courants politiques qui en sont issus. S’il existe des communautés chrétiennes toujours vivaces et missionnaires, la plus grande partie des populations occidentales ne voit plus en Jésus qu’une forme d’idée, mais non un événement, et encore moins une personne que les apôtres et de nombreux témoins de l’Évangile ont rencontrée, aimée et à laquelle ils ont consacré toute leur vie.
L’éloignement de Dieu n’est pas le fait d’un raisonnement mais d’une volonté de se détacher de Lui. L’orientation athée d’une vie est presque toujours une option de la volonté. L’Homme ne veut plus réfléchir à son rapport à Dieu, car il entend devenir Dieu lui-même. Son modèle est Prométhée, ce personnage mythologique de la race des Titans qui déroba le feu sacré pour le communiquer aux Hommes ; l’individu est entré dans une logique d’appropriation de Dieu, et non plus d’adoration. Avant le mouvement dit des » Lumières « , si l’Homme a tenté de prendre la place de Dieu, d’être son égal ou de l’éliminer, il s’agissait de phénomènes individuels minoritaires.
L’athéisme trouve son origine principale dans l’individualisme exacerbé de l’Homme Européen. L’individu-roi, qui aspire toujours davantage à une forme d’autonomie ou d’indépendance absolue, tend vers l’oubli de Dieu. Sur le plan moral, cette recherche de la liberté absolue implique progressivement un rejet sans distinction des règles et principes éthiques. L’univers individualiste devient uniquement centré sur la personne qui n’admet plus aucune contrainte. Dès lors, Dieu est considéré comme celui qui crée des obstacles pour enfermer notre volonté en imposant des lois ; Dieu devient l’ennemi de l’autonomie et de la liberté. Se voulant totalement libre, l’Homme refuse ce qu’il considère comme une contrainte et va même jusqu’à repousser toute forme de dépendance à l’égard de Dieu. Il rejette l’autorité de Dieu qui nous a pourtant créés libres afin que, par l’exercice raisonnable de notre liberté, nous puissions dépasser nos impulsions sauvages et maîtriser tout ce qu’il y a d’instinctif en nous, en assumant pleinement la responsabilité de notre existence et de notre croissance. (…)
Le rejet de Dieu prend sa place dans un mouvement de conquête scientifique et technique qui marque l’Europe au sortir du XVIIIe siècle. L’Homme entend dominer la nature et prendre son indépendance. La technique lui donne l’impression d’être le maître du monde. Il devient donc le seul régent d’un espace sans Dieu. La science ne devrait pourtant pas éloigner l’Homme de Dieu. Au contraire, elle devrait rapprocher l’Homme de l’Amour divin.
Certes, le grand mystère du mal peut pousser certaines personnes au doute et à l’athéisme. En effet, si Dieu est notre Père, comment peut-il permettre que tant de personnes innocentes souffrent ? (…)
Pourtant, nous ignorons à quel point nous provoquons la plus grande quantité des maux de cette terre. Combien de guerres et de tueries pourraient être évitées ? Bien souvent, les pays occidentaux, qui se targuent de titres d’artisans et de promoteurs de paix, sont les premiers producteurs ou les plus importants trafiquants d’armes de destruction massive. Avec une hypocrisie cynique, ils les vendent aux pauvres et les troquent contre leurs ressources minières ou pétrolières. Le monde d’aujourd’hui est envahi de haines, de violences et de barbarie, et tant d’innocents paient un lourd tribut à cause de ceux qui détiennent le pouvoir. (…)
Puisque nous prétendons avoir célébré les funérailles de Dieu, comment s’étonner qu’un monde sans présence divine soit devenu un enfer ? La morale, l’amour, la liberté, la technique et la science ne sont rien sans Dieu. L’Homme peut construire les plus belles œuvres, elles ne seront que châteaux de sable et chimères instables si elles ne se rapportent à Dieu. Nietzsche avait vingt ans quand il écrivit son poème au Dieu inconnu : » Je veux te connaître, inconnu, toi qui es au tréfond de moi…« .
Aujourd’hui, dans des pays riches et puissants, l’éclipse de Dieu conduit l’Homme vers un matérialisme pratique, une consommation désordonnée ou abusive, et la création de fausses normes morales. Le bien matériel et la satisfaction immédiate deviennent l’unique raison de vivre. (…) «
Cardinal Robert Sarah
» Dieu ou rien. »
Entretien sur la foi
Éditions Fayard